- 22 févr. 2011, 18:25
#247632
Même si ses baisers étaient simples, ils m’étaient très agréables car très doux et lents. Dans cette façon d'embrasser, je décelais de la tendresse. Doux, simples et bons. A mes yeux, ses baisers, c’était plus lui que son corps qui m’était encore à demi-étranger. Plus tard, ça le sera encore plus ; ses baisers me "tueront". Alors, je l’ai terriblement embrassé, je l’ai embrassé sans arrêt comme pour le déguster à petites lampées. Je l’ai aussi caressé infiniment, cérémonieusement, comme si ma vie en dépendait. Non, j’exagère ; je l’ai caressé du mieux que j’ai pu, du mieux que j’ai voulu et j’avais envie de tout pouvoir et de tout vouloir. Mais plus le temps passait et plus j'avais l'impression d'accomplir une sorte de rituel sacré dont notre union serait l'idole.
Son visage tout entier, sa tête, son cou, ses épaules, ses bras, son dos, ses hanches, ses fesses, tout ce que je découvrais sous ma bouche ou mes doigts me ravissait dans une sorte néanmoins de normalité. Tout me semblait joli, agréable - et normal. Plus tard, j’appellerai cela : l’évidence.
Sa peau était lisse et ferme comme si elle avait été tissée serrée mais pas à l’excès. Je comptais ses côtes, me trompais, reprenais alors le décompte de ses articulations mais tout cela par prétexte.
Sur sa peau, son odeur était des plus fines et semblait n’avoir rien de personnel qui puisse l’identifier. Il sentait légèrement le propre – voilà une identification ! - mais il n’était pas parfumé, si ce n’est vaguement aux aisselles. Pas d’odeur corporelle ou de parfum choisi. J’aurais préféré qu’il eut une fine odeur propre à lui et non une fine odeur de propre sur lui.
Il était à côté de moi ou sur moi mais dans cette position, toujours en appui sur un ou deux avant-bras, le buste un peu éloigné du mien. J’en profitais donc pour l’y caresser et suivre comme j’aime bien, la ligne de l’exacte frontière entre nos deux corps en contact, là en descendant aux pubis, aux cuisses.
Je prenais tout mon temps. A l’époque, j’ignorais qu’il m’était compté. Je n’avais de cesse de le découvrir encore, le redécouvrir, de le toucher, de le respirer, de retrouver avec plaisir et sans arrêt ses lèvres et sa peau maintenant à peine connues mais qui s’inscrivaient lentement dans ma mémoire. J’étais heureuse que mon désir de rapprochement physique se satisfasse à cet instant que je faisais durer – par nécessité ou plaisir et non par calcul. Je me disais que c’était maintenant, ça y était, tout ce que j’avais tant espéré depuis des jours et des nuits se passait en ce moment-même, que tout était bien dans ce que j’y vivais, devant se vivre justement avec le rappel constant que je l’avais souhaité ardemment et qu’il advenait enfin, là, là, maintenant, où se mélangeaient la pulsion initiale jusqu’à l’obsession à son accomplissement factuel, tactile et olfactif, et cela ajoutait un tourbillon de plaisir à mon plaisir, sans pour autant ne jamais me faire perdre la tête : un plaisir constant dans une infinie douceur.
Il participait aux dixièmes ou peut-être moins à ce que je lui faisais. Le plus souvent m’embrassant ou se laissant embrasser, caresser et découvrir, un peu perdu dans mes cheveux ou dans mon cou. Au début, cela ne m’avait rien inspiré mais petit à petit, j’ai compris soit qu’il ne savait pas, soit qu’il n’osait pas et plus tard, qu’il ne voulait pas.
Nous nous regardions peu voire pas du tout par pudeur au moins de ma part car je n’aurais jamais pu me laisser aller autant, lui en faire autant en le fixant dans les yeux car les yeux sont reliés au cerveau et il est peu sûr que ce soit mon cerveau qui me guidait dans ces instants-là ou que je veuille qu'il me guide. Néanmoins, je remarquais de temps à autres qu’il me regardait les yeux un peu troublés ; il m’observait moi, agissant ou gémissant un peu, et pas tellement ou pas toujours en se laissant aller dans l’instant sensuel un peu embrouillé. Cela se produira souvent. Il m'observera certainement pour découvrir lui aussi, voir comment ça se passe sur le visage d'une femme. Cela me gênera toujours.
A un moment, je remarquais aussi non seulement qu’il ne collait jamais son buste au mien mais encore qu’il laissait mes jambes telles qu’elles étaient. Alors je les écartais un peu pour que les miennes et les siennes s’alternent, pour que sa cuisse touche le dessus de mon sexe, je remontais aussi un genou pour pouvoir de mon pied caresser son mollet et le creux de son genou, et que mon début d’ouverture l’inspire.
Nos souffles devenaient de plus en plus chauds et surtout le mien. Le sien était des plus discrets, même pas audible. Il ne gémissait pas. Il ne gémira quasiment jamais toutes les autres fois.
Personnellement, je n’étais pas follement excitée mais seulement un peu excitée. Maintenant, j’avais quand même envie de la suite. Puisque toujours appuyé sur ses avant-bras, il s’écartait souvent et délicatement de mon corps, je sentais constamment son sexe bander « gentiment » et il a compris à la nouvelle position de mes jambes, à l’enserrement de mes bras autour de lui, à tout un ensemble de petites choses que c’était le moment.
C’est alors que mû par une agitation à peine décelable par rapport à son attitude précédente si je n’y avais prêté attention, il m’a demandé avec sa voix aussi chaude et douce que son corps si je prenais la pilule. J’ai failli éclater de rire – un peu jaune. A mon âge, plus besoin de prendre la pilule mais il ne devait pas encore savoir quel était mon âge. Alors, j’ai fait mille efforts pour me contenir, ne pas briser l’ambiance sensuelle qui nous entourait et lui ai soufflé en passant qu’il n’avait pas à s’inquiéter, il n’y avait aucun problème pour ça et qu’en plus, j’étais totalement clean, il pouvait y aller sans rien et sans souci.
Alors, il y est allé mais les choses se sont passées un peu comme dans un brouillard pour moi.
Tout son corps était tendu ; je sentais son sexe toucher le mien, je le sentais vouloir le pénétrer, je l’aidais de mon mieux avec mes hanches, mon ventre, mes jambes, mais jamais avec les mains. J’avais l’impression que mes mains pouvaient agir comme de vils auxiliaires prosaïques et briser le mouvement naturel des corps ; je les gardais donc à l’usage essentiel des caresses sur sa peau qui maintenant transpirait finement. Dans ses mouvements et malgré sa délicatesse naturelle, il me faisait un peu mal à la hanche. C’est souvent comme ça pour moi la première fois : l’homme cogne contre l’aspérité de ma fosse iliaque jusqu’à m’en faire des bleus. Qu’importe. Là, il parvenait à peine à me pénétrer qu’il semblait se retirer, se dégager de l’endroit puis ce manège reprenait entre les baisers, les caresses, l’approche des sexes... Je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait et n'y réfléchissais pas tellement.
A un moment où O était un peu en moi, j’ai attiré plus fermement son buste vers le mien par le besoin que j’avais de ressentir tout son corps dans son entier en moi et sur moi mais il a marqué une petite résistance tendue et toujours précautionneuse. J’ai insisté, l’ai encore attiré à moi et lui ai dit « Viens totalement contre moi, mon O » mais il m’a répliqué comme une évidence qu’il allait m’écraser s’il faisait cela. C’est là que j’ai pensé qu’il n’avait jamais dû faire l’amour avec quiconque pour ignorer que seule une partie du poids de l’autre se répartit de façon équilibrée sur le corps de l’autre - le reste comme la tête, les jambes ou les bras ne s’ajoutant pas à ce poids. Franchement, je n’ avais jamais pensé auparavant à cette histoire de poids – si ce n’est à peine quand j’étais adolescente – mais je le savais. Lui pas. Il croyait m’écraser de son poids d’homme s’il se reposait totalement sur moi, frêle femme. Je l’ai sur ce point aussi rassuré.
J’avais l’impression que c’était la première fois pour lui mais pas totalement. C’était étrange sans être dérangeant ; ce n’était pas une idée fixante. En fait, j’apprendrai plus tard qu’effectivement, ce n’était pas sa première fois mais qu’auparavant, ce n’avait pas été terrible. Certainement occasionnellement ; j’imagine deux ou trois fois, pas plus et sans plus. Enfin, rien qui ne pouvait ressembler de près ou de loin à ce qui se passait là, entre nous deux, cette nuit-là.
Tous ces petits éléments glanés et ajoutés à sa délicatesse, ses précautions ou sa douceur ont fait qu’a germé dans mon cœur cette idée de plus en plus certaine, tout au long de cette nuit et des jours qui ont suivi, qu’outre le bien que je lui voulais, qu’il fallait que je fasse très attention à lui, que j’y aille le plus doucement et lentement possible, qu’il ne fallait surtout pas le brusquer, lui en faire trop, lui en montrer trop, trop vite, surtout ne pas l’abîmer, qu’il était nécessaire que je sois continûment délicate dans ma démarche. J’ai compris, je me suis dit que j’étais là pour ça, que la Providence l’avait mis sur mon chemin aussi pour que je lui montre tout cela, toutes ces choses délicieuses et fragiles comme les pétales d’une rose qu’on ouvrirait l’un après l’autre. Nous n’en étions qu’aux premiers pétales extérieurs.
Puis, les choses se sont peu à peu arrêtées sans que j’aie compris vraiment où, quand, comment. Tout avait été et était très doux, très délicat, sans rupture brutale entre aucun des moments – sauf à peine, celui où il avait compris qu’il fallait me pénétrer. Après, il a gardé un temps une cuisse serrée entre mes jambes, que j’ai appréciée pour l’effet qu’elle me faisait mais aussi parce qu’il avait décidé de la mettre et de la maintenir là, pour moi, certainement pour que je m’y frotte un peu, donc sachant qu’elle me ferait plaisir et complèterait ou compenserait ce qui avait précédé. Donc il savait. Il savait ?
Bien sûr, en tout, je n’ai pas eu de jouissance ou d’orgasme tels qu’on les entend. J’étais à peine déçue de cela. J’avais ressenti en revanche, énormément de plaisir qu’il ait été là, que ce soit lui et pas un autre, que cette nuit si importante à mes yeux ait eu lieu en devenant encore plus importante encore, que son corps, sa peau, son visage, sa bouche aient été tout à moi, qu’il y ait eu (au moins) absolue adéquation entre ce que j’imaginais de lui et ce qu’il était en réalité. Tout même (sauf le sexe) avait été dépassé. Tout avait été d’une telle délicatesse et tendresse qu’il me semblait qu’on était à l’aube d’un temps de délices dont le plaisir ressenti cette nuit-là à être avec lui m’avait donné l’avant-goût. Mon union avec O ressemblait pour moi à une mer chaude, soyeuse, colorée, vive et prometteuse sur la rive de laquelle nous nous trouvions encore. Y plonger et pas seulement que les orteils, y plonger encore et entièrement. J’étais heureuse de ce qui s’était passé et de ce qui allait se passer.
Ensuite, nous nous sommes endormis enlacés pour nous réveiller presque dans la même position et souriant l’un à l’autre ; à peine, un tout petit peu gênés.
Modifié en dernier par mylu le 10 mars 2011, 02:38, modifié 1 fois.